Blog lecture, avis & chroniques
19 Avril 2023
"Le monde des hommes est en train de s’effondrer. Et toutes les prières, tous les sacrifices, semblent incapables d’y remédier. L’humanité assiste, impuissante, à son crépuscule.
Une dernière chose doit cependant être tentée. Une folie, à la hauteur de cette situation désespérée. Chaque nation, chaque territoire a ainsi désigné son champion. Certains sont des sages, des savants, ou des dévots. D’autres sont des mercenaires, des aventuriers ou des chevaliers. Il y a même des rois et des reines… Ils ne se connaissent pas, ils ont parfois des intérêts contraires, mais ils ont été réunis pour former le groupe des parangons. Une escouade d’exception dont la mission représente la dernière chance de survie de leurs peuples respectifs. Ensemble, ils vont devoir pénétrer la montagne sacrée, siège du palais souterrain des dieux. Et s’ils parviennent jusqu’aux éternels, malgré les dangers légendaires que renferme cet endroit, ils devront les convaincre de sauver leur monde agonisant. En les suppliant… ou bien en les défiant, si nécessaire.
Mais combien de parangons verront leur sang versé sur le chemin, pour permettre aux autres de continuer ? En restera-t-il un seul, qui pourra prouver que l’humanité mérite vraiment d’être sauvée ?"
Mnémos - 320 pages
Mes aïeux, quel roman ! Étrangement, je n'ai pas pleinement apprécié cette lecture - ce qui ne signifie pas que je l'ai détestée, bien au contraire - un sentiment profondément lié à la construction proposée ici par Pierre Grimbert. Cependant, il me faut reconnaître la maîtrise absolue dont il fait preuve ici, ainsi que l'incroyable tension régnant à certains moments du récit.
Le sang des parangons a cela de particulier qu'il nous offre en effet de suivre pas moins de près d'une cinquantaine de personnages distincts, chacun offrant ue perspective sur la progression du groupe que l'on suit ici. Nous ne retrouvons pas - ou exceptionnellement - leurs voix dans la suite de l'histoire, mais les suivons en filigrane depuis le point de vue des uns et des autres. Des personnages aux croyances bouleversées, tandis que s'installent dans le rang de ces parangons le désespoir et la peur.
Ce qui est absolument fascinant - et diablement intelligent ! - c'est le fait que cela permet de dévoiler une multitude d'informations : peuples, croyances, histoires personnelles, conflits politiques, faits historiques… Pour une one-shot de seulement 325 pages, il y a de quoi se mettre sous la dent, sans que cela paraisse pour autant indigeste ou incomplet.
Mais peut-être imaginez-vous que les mages sont capables de léviter, de traverser les murs, ou de générer des boules de feu ravageant tout sur leur passage ? Si je vous fais la démonstration, vous en serez probablement convaincue ? Pourtant, je vous l’annonce, cela n’est que le résultat de mensonges entretenus pendant des siècles par mes pairs, et leurs pairs avant eux. Chaque nouvelle génération a été préparée à croire en la magie. Mais en réalité, mon art n’est qu’illusion.
C'est un parti pris que l'auteur gère, comme je le disais au départ, avec un panache admirable. Néanmoins, et ce fut la limite pour moi, j'ai parfois eu l'impression de me retrouver face à un genre d'exercice de style, de "geste d'auteur" auquel je n'ai pas toujours su goûter. Il y a là-dessous un sentiment très personnel, un besoin de ma part me semble-t-il (dans ma relation à la lecture) assez fort de s'attacher à des personnages, ce que je n'ai pas ou peu réussi à faire ici.
Au niveau de l'ambiance en elle-même, nous sommes à mon sens sur une fantasy particulièrement sombre : une dark fantasy à l'ambiance macabre, désespérée, d'où il ne filtre rien de positif. La sensation d'absurdité et d'éternel recommencement nous tenaille jusqu'à la fin, un peu comme dans La horde du contrevent (dans l'idée). En ces temps de romantasy selon le terme consacré des éditions Hugo, Pierre Grimbert et Mnémos choisissent de ne nous prendre à rebours. Et si je suis une des premières à apprécier le genre susnommé, je dois avouer qu'il est agréable de lire un texte comme Le sang des parangons, nous poussant dans nos retranchements, nous mettant à de nombreuses reprises face à un malaise croissant, nous interrogeant sur notre propre rapport à la religion ou encore à notre mortalité.
Le sang des parangons fut donc une lecture à la fois difficile et réjouissante. Je suis contente d'avoir redécouvert Pierre Grimbert dans un autre contexte que celui de ses grandes sagas (que j'adore) type Ji ou La malerune et espère qu'il nous gratifiera à l'avenir de davantage d'œuvres sortant du lot à ce point.