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Un palais de papier

Blog lecture, avis & chroniques

Chien 51, Laurent Gaudé

"Autrefois, Zem Sparak fut, dans sa Grèce natale, un étudiant engagé, un militant de la liberté. Mais le pays, en faillite, a fini par être vendu au plus offrant, malgré l’insurrection. Et dans le sang de la répression massive qui s’est abattue sur le peuple révolté, Zem Sparak, fidèle à la promesse de toujours faire passer la vie avant la politique, a trahi. Au prix de sa honte et d’un adieu à sa nation, il s’est engagé comme supplétif à la sécurité dans la mégalopole du futur. Désormais il y est “chien” – c’est-à- dire flic – et il opère dans la zone 3, la plus misérable, la plus polluée de cette Cité régie par GoldTex, fleuron d’un post- libéralisme hyperconnecté et coercitif. Mais au détour d’une enquête le passé va venir à sa rencontre."

Actes Sud - 304 pages

Chien 51 est mon premier Laurent Gaudé. Un auteur que je ne brûlais pas de découvrir, mais dont j'ai souvent entendu le plus grand bien, que ce soit autour de moi ou encore dans divers médias. Ici, l'univers dystopique n'est qu'un prétexte pour aborder d'autres thématiques - et tant mieux, parce qu'il s'avère plutôt faible.

En effet, et commençons une fois n'est pas coutume par le négatif, nous sommes ici face à du déjà-vu/déjà lu en termes de science-fiction. Laurent Gaudé ne révolutionne rien et utilise des idées mille fois exploitées ailleurs - et de ce que j'en comprends, son ambition n'est pas là. Reste que pour moi, l'univers ne vit pas. On nous parle de citoyens parqués en zone 1, 2 ou 3 selon leur rang social, mais sans autre explication. Il est question de déluges climatiques, d'organes artificiels prolongeant la durée de vie des plus chanceux, etc. Sans plus de détails ni de contexte. Je dois vous avouer que quelques pages de plus n'auraient pas été de trop à ce sujet, afin d'approfondir et de marquer davantage. A contrario, cela fait de ce roman une bonne porte d'entrée pour des néophytes. 

Bareïm se met à rire de sa propre remarque - ce qui fait bouger toute sa carcasse. C'est à ce moment-là qu'on entend la voix électronique de son Curasix monter de sa poche :
"IMC : 39,7...Artère bouchée à 67%. Pression sanguine saturée à + 16. Il vous reste six ans, huit mois et vingt-deux jours à vivre..."
Le géant fouille dans sa parka, un peu honteux, et éteint l'appareil.
"Putain...Il suffit que je rigole ou que je tousse pour que cette saloperie se déclenche..."

D'autant qu'il y a du positif dans ce titre. Bon, ça n'est pas un scoop, mais je le dis quand même : l'auteur a un style vraiment plaisant, proposant ainsi quelques pages très puissantes de dialogues débités avec une urgence dans laquelle on sent filtrer un désespoir qui nous tient d'ailleurs tout du long. À ce sujet, le mélange polar/SF nous fait presque toucher du doigt le roman noir rétrofuturiste. Ça sent l'imperméable miteux et les néons lumineux : l'ambiance se montre parfois saisissante.

Certaines idées liées à la dystopie elle-même sont très chouettes : la manière dont l'auteur parle de la violence d'une révolution, d'une manifestation ou encore de sa répression. Dans le contexte actuel, ce sont des pages particulièrement fortes. Puis tout ce qui touche à la privatisation du monde, à la toute puissance des grandes fortunes outrepassant celle des politiciens, à notre passivité, voire notre collaboration. Ce sont des thèmes passionnants, là encore, on ne peut plus actuels. L'aspect roman policier se mêle très bien à ce contexte, avec une enquête mené par un flic désabusé, qui a cédé aux sirènes de la multinationale qui dirige tout, mais garde au fond de lui cette petite mèche que la moindre étincelle pourrait raviver. Ce n'est pas le personnage le mieux caractérisé que j'ai rencontré - loin de là malheureusement, là aussi l'auteur se foire un peu - mais tout de même, il incarne parfaitement son archétype parce que encore une fois, le propos est ailleurs, dans toutes les thématiques précitées. 

Finalement, Chien 51 avait un gros potentiel, malheureusement trop peu exploité. Peut-être en attendais-je trop. Néanmoins, l'ambiance désabusée, politisée et le style de l'auteur en font une lecture intéressante. Je pense prochainement tenter son prix Goncourt : Le soleil des Scorta.

Chien 51, Laurent Gaudé
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C
Un auteur que je souhaite découvrir un jour mais ce titre ne m'a jamais attiré.
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