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Un palais de papier

Blog lecture, avis & chroniques

Les grandes nacres, Catherine Baldisseri

"Sur une île méditerranéenne écrasée de soleil et hérissée de montagnes, Efisia est devenue, comme son aïeule, gardienne des grandes nacres, les précieux coquillages fichés dans les profondeurs cristallines. Depuis qu'elle a prêté serment, elle entonne la prière à la mer et plonge inlassablement pour récolter leurs longs filaments qu'on appelle byssus. Puis elle file, tisse et façonne la soie marine, auréolée de mythes. Rosalia a toujours vu Efisia, sa grand-mère, laver, teinter, sécher et faire danser le byssus entre ses doigts. Dans son atelier, elle a appris les gestes et les légendes. Mais comment continuer de protéger les grandes nacres quand la folie des hommes menace ?"

Julliard - 208 pages

[service presse, via NetGalley]

Les grandes nacres est un roman qui semble être passé quelque peu inaperçu en cette foisonnante rentrée littéraire, et cela est bien dommage, tant il touche à des thèmes qui pourtant cartonnent en littérature en ce moment. 

Catherine Baldisseri, autrice française d'origine italienne, nous propose ici de suivre trois destins de femmes d'une même famille. Ce qui les lie ? Un savoir-faire artisanal absolument ancestral — remontant jusqu'à la mythique Toison d'Or, rien que cela ! - consistant à recueillir la soie de mer, touffe de fibres belle et bien réelle glanée sur des mollusques, cardée, traitée, puis tissée pour constituer châles et autres vêtements.

C'est la fondue de laines et autres pelotes sommeillant en moi qui a tout d'abord adoré ce roman. Si vous êtes amateurs de loisirs créatifs touchant à la fibre de laine ou de coton et plus largement sensibles à la beauté de l'artisanat, vous serez ici ravis par les multiples descriptions d'un savoir-faire ancestrale, qui touche au sacré tant il est entouré de mille et une superstitions qui lui confèrent une aura quasi magique. En cela, ce roman s'inscrit d'ailleurs à fond sur les thématiques du féminin sacré et de la sorcellerie, dans le sens où il met en avant la femme "sachante", celle qui transmet à sa descendance une connaissance auréolée de mystères, suscitant médisances et convoitises. Cependant, l'histoire se déroule tout de même plus ou moins à notre époque ; triste époque d'ailleurs, qui voit les étendues d'eau abritant ces merveilleuses toisons ravagées par la surpêche et les bateaux de luxe jetant leurs ancres un peu partout, au plus grand mépris de la nature. Vous l'aurez compris, il est donc aussi fortement question d'écologie ici, un thème qui coexiste d'ailleurs à mon sens merveilleusement avec le féminisme qui émane de ces pages. 

En un peu moins de deux cents pages, Catherine Baldisseri parvient ainsi à nous faire découvrir un artisanat fascinant, tout en nous sensibilisant avec poésie et pertinence à la question écologique. Deux thèmes forts, servis par une plume simple, sans chichis, cependant si poétique dans ce qu'elle raconte. Très chouette moment !

"Quand on respire un art dans une famille, il arrive qu'on devienne cet art-là", chuchotait Efi dans l'atelier tout en tissant sur son vieux métier mécanique.

En bref... Un excellent moment de lecture, tout à fait dans l'air du temps.

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