Bass Rock de Evie Wyld

12/02/2024 15:07

"Depuis des siècles, l'îlot de Bass Rock est le témoin silencieux des vies qui passent et des drames qui se nouent au sein de la communauté de North Berwick, petite station balnéaire de la côte écossaise. Les destins de trois femmes sont intimement liés à ce lieu sauvage, refuge des Fous de Bassan. Mais ce qui unit par-dessus tout Sarah, adolescente accusée de sorcellerie au XVIIIᵉ siècle ; Ruth, jeune épouse trompée et humiliée par son mari dans l'immédiat après-guerre ; et Vivian, quadra londonienne d'aujourd'hui peinant à trouver un sens à sa vie, est d'une autre nature. Toutes ont subi — comme tant de femmes au cours de l'histoire — la violence des hommes."

Babel - 429 pages

Voilà un bien étrange roman que je referme à l'instant, et dont je ne sais que penser.

Bass Rock, c'est le nom d'une sorte d'îlot rocheux que les trois héroïnes principales de ce roman, vivant à trois époques bien différentes, auront toutes, à un moment ou à un autre, en ligne de mire. L'autre point commun, c'est cette ambiance inimitable que l'Écosse apporte, avec ses côtes battues par les vents et ses paysages austères, mais si beaux, à chacune des trois voix de ce roman.

Ma favorite fut la touchante Ruth, une jeune femme ayant perdu un frère dont elle était très proche, et qui s'est mariée récemment avec un veuf un peu plus âgé, déjà père de deux enfants. Une femme sensible, qui va bien vite comprendre que la violence des hommes s'exprime partout autour d'elle, mais qui n'y pourra pourtant rien, car personne ne l'écoutera. Nous sommes alors au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, et l'égalité des sexes au sein des familles bourgeoises (et ailleurs) n'est pas gagnée. Malgré l'aspect plutôt contemporain de son histoire, j'y ai retrouvé ce que j'adore dans des œuvres à l'ambiance gothique comme Les hauts de Hurlevent. Son point de vue m'a captivé et s'il avait constitué la majorité du roman, ç'aurait été un incontestable coup de cœur.

Pour autant, les deux autres points de vue explorés ici m'ont tout de même moins intéressé, d'autant qu'ils étaient à mon sens peu aboutis. La jeune sorcière Sarah, malmenée par la vie depuis son plus jeune âge par une population alentour qui la méprise, est finalement assez ambigüe ; je vous avoue ne pas trop avoir compris ce vers quoi l'autrice essayait de nous amener comme réflexion. Viviane, quant à elle, fût plutôt touchante dans le rôle de la quarantenaire totalement perdue, en proie à un mal-être profond. Elle m'a beaucoup fait penser à Fleabag, de la série du même nom. La conclusion de son histoire était plutôt sympa, mais ne me restera pas non plus en mémoire, d'autant qu'elle fait un peu écho à des thématiques actuelles (féminin sacré, etc.) auxquelles je n'adhère pas du tout.

Dans l'ensemble, le propos du roman sur les violences oppressives commises par les hommes au fil de l'histoire est tout de même pertinent, mais disons que l'inégalité des chapitres empêche le tout d'aboutir pleinement. Si vous êtes curieux envers ce titre, il se lit bien, n'hésitez donc pas à tenter votre chance.

Ruth songea au sentier qui descendait aux dunes, au vent, aux résidus de goudron noir collés à ses bottes, à ses manches de pull humides et sableuses à force de fouiller dans les flaques de marée. Le soupir discret de la maison qu'elle ressentait en y entrant, et son odeur. La sensation de danger dans l'eau. La table de cuisine de Betty et sa longue histoire. Les cigarettes dans le jardin. Peut-être que tout cela l'avait rattrapée, pénétrée, et qu'elle avait trouvé son chez elle sans s'en apercevoir.

En bref… Une bonne découverte sur certains points ; mais cela reste tout de même un roman inégal.